La notion de svadhyaya selon les Yoga-sutras de Patanjali Sutra II.1 est l'« Étude de textes qui conduit à la connaissance de soi par la référence constante à son expérience dans la pratique. » Un autre Sutra (II.44) qui en fait mention est « Intériorisation, écoute et connaissance de soi » cité en tant que démarche fondamentale du yoga.
Le mot svadhyaya déconstruit:
Sva = soi
Adhyaya = leçon, lecture, étude
Dhyaya = méditer sur
Svadhyaya est une notion fondamentale, la 4e des niyama, qui signifie de vouloir se comprendre à travers l’étude de textes, par la réflexion et par l’expérience directe. C’est un mouvement constant, évolutif, entre étude des théories et observations de soi dans différentes situations. L’expérience directe, dans notre vie quotidienne, amène assurément une meilleure compréhension des concepts, une intériorisation, tout comme le fait de méditer sur ceux-ci (dhyaya).
Intériorisation : « Ensemble des processus par lesquels certains éléments du monde extérieur sont intégrés au fonctionnement mental de l'individu, contribuant à l'organisation des structures affectives et cognitives. » (Wikipédia)
En se familiarisant avec de nouveaux angles théoriques, de nouvelles perspectives sur la vie, nous pouvons nous voir autrement et mieux nous comprendre. Par l’étude de soi, de nos habitudes, nos comportements, nos émotions, etc., nous nous comprenons mieux et pouvons alors réaliser que tout ceci est en mouvance constamment, et dépendant des circonstances. Nous sommes alors en mesure d’identifier quelles sont ces circonstances qui nous font réagir, quelle lecture faisons-nous d’une situation qui évoque des souvenirs bons ou pénibles, teintant alors nos actions.
Par ces observations de soi, ce développement de connaissances envers soi, nous fait réaliser qu’au fond de nous, une parcelle immuable est présente. Que notre essence profonde, notre Soi avec un grand « S », n’est en fait pas affecté par tout ce mouvement environnant.
Le soi avec un « s » minuscule, est directement relié à nos sens et à l’agitation du mental qui en résulte.
Svadhyaya est une façon d’approfondir sa pratique et de l’amener à l’extérieur de notre tapis. Ce qui est le propre de la pratique du yoga. Le tapis étant un contexte circonscrit dans le temps et l’espace pour rendre tangible cette pratique, pour s’entrainer. S’entrainer à être une meilleure personne lorsque le tapis est rangé.
Les déclinaisons de l’étude de soi sur le tapis
La pratique des asana est une occasion de bouger le corps de différentes manières afin que la circulation (biologique et énergétique) s’y active de bonne façon et nous amène à avoir les idées plus claires. Nous sommes alors plus en mesure de voir ce qui se trame en nous, de ressentir des blocages, de nous éveiller sur certains comportements, etc. Notre pratique sur le tapis reflète, au fond, qui nous sommes à l’extérieur de celui-ci.
La pratique sur le tapis permet une « mini retraite » hors du quotidien, loin de notre téléphone cellulaire et des réseaux sociaux afin de prendre un pas de distance face à ce que l’on vit. Avec un pas de recul, il est alors plus facile de changer sa perspective, de voir les choses d’un autre angle et de, parfois, instantanément mieux comprendre une situation.
Observation du corps
Le corps posé sur le tapis est évidemment le premier élément d’observation. Déjà de prendre conscience de son état physique, ses inconforts, ses tiraillements, ses aisances, ses limitations. Par de nouvelles postures, voir le corps autrement. Alors que l’on croyait ses bras et ses abdominaux forts, les allers-retours dans la posture du dauphin nous donnent du fils à retordre! C’est une belle occasion d’apprentissage sur notre anatomie et sur le fonctionnement du notre véhicule.
Observation du souffle
Lors de la pratique, l’observation du souffle est constante. Les mouvements du corps nous ramènent à ce mouvement interne qu’est notre souffle. Notre attention est ramenée vers soi, afin de s’observer tel que l’on est au moment présent. Elle constitue un contexte précis d’entrainement. Et le souffle est un excellent indicateur de notre état interne : si nous retenons quelque chose, si nous sommes stressés, si nous sommes préoccupés, etc. Quand on y pense, on fait le ménage de la maison lorsqu’on reçoit des invités. Il est sain, suite à nos observations, de laisser aller les tensions accumulées dans le corps, de faire de la place en nous, avant d’emmagasiner autre chose, ce que la pratique pourra nous apporter aujourd’hui.
Observation des pensées
Comme un enfant qui répète et répète la même phrase pour attirer notre attention. Si on continue de l’ignorer, il continuera. Si on s’arrête pour l’écouter, il cessera. Nos pensées fonctionnent de la sorte. En nous arrêtant et en les observant, elles se calment et il est même possible de les éloigner de nous, d’en diminuer le volume. Ce n’est pas en les niant qu’elles cesseront de nous perturber. Et parfois, les pensées les plus fortes, les plus « choquantes » sont là justement pour attirer notre attention. Sous elles, se trouvent les vraies causes de notre perturbation. C’est en étudiant ces causes, ces ombres, que nous apprenons à nous connaitre vraiment et à nous offrir ce dont nous avons réellement besoin.
Svadhyaya dans la vie quotidienne
La pratique sur le tapis sert précisément à mieux naviguer à travers tout ce que la vie nous réserve. Pour approfondir cet entrainement du tapis lors de notre quotidien, nous pouvons lire des textes ou extraits de textes qui résonnent pour nous et surtout, en prenant le temps de les laisser résonner. Tout comme le bol tibétain que l’on fait chanter : en se précipitant pour le prendre, nos doigts refermés sur lui l’empêche de dévoiler toute l’ampleur de son chant. On peut alors apprendre par le cœur. Les choses s’éclairent d’elles-mêmes, font profondément du sens sans que l’on puisse nécessairement expliquer comment.
Parfois, l’étude de texte sera plus « cérébrale ». On passera par notre cerveau pensant qui nous permettra de réfléchir sur ce qui est lu. Garder un esprit critique face à la profusion d’informations. User de discernement. D’établir ce qui fait sens pour nous pour passer à l’application de ces théories.
Cette dernière étape est cruciale dans ce procédé itératif, entre étude de textes et expérimentations. Aucune notion n’est aussi bien comprise que lorsqu’elle est vécue, ressentie.
La pratique du yoga nous permet donc, non pas simplement d’assouplir notre corps, mais bien d’assouplir notre mental et nos pensées. En acquérant cette souplesse, il nous est possible de faire un pas en arrière face à nos actions et de se poser la question : Pourquoi ai-je agi ainsi? Est-ce mon ego qui se protège/se sent menacé/rejeté, etc.? Ce n’est assurément pas simple et facile de se remettre soi-même en question. Notre ego n’aime pas ça! Mais c’est essentiel dans l’étude de soi qui nous mène à notre Soi authentique.
Svadhyaya est directement lié à tapas/la rigueur/discipline (3e niyama). Pour y arriver, accordez-vous du temps. La pratique est un processus graduel qui nous demande de faire une étape à la fois. Et parfois, on peut avoir l’impression de reculer. Mais ça aussi, ça fait partie du processus.
Truc au quotidien pour appliquer svadhyaya
Prendre un moment le soir avant d’aller au lit pour écrire dans un journal. Choisir un moment dans la journée (une situation, une interaction) qui nous a fait vivre une émotion intense, qu’elle soit agréable ou non. Se poser la question : Pourquoi ai-je agi ou réagi ainsi? Ou Pourquoi ai-je dit cela?
Une fois répondu, voyez si c’était votre ego qui a réagi ou si votre réaction était profondément authentique. Si c’est l’ego qui l’emporte, dites-vous que vous ferez mieux la prochaine fois pour laisser venir une action/réaction authentique.
Et c’est ainsi qu’une étape à la fois, avec rigueur, on avance sur notre chemin jusqu’au moment où sans y penser, une prochaine fois, nous laisserons notre Soi guider notre action.
Pour une pratique permettant d’appliquer la notion de svadhyaya, donc l’introspection et l’observation de soi, rejoignez la SESSION DE L’ARBRE offert par Noémie Ashby.
